Livre « La bière bretonne, histoire, renaissance et nouvelle vague », entretien avec Gabriel Thierry
Fin 2017, nous avons rencontré Gabriel Thierry, journaliste de profession que nous suivons depuis quelques temps maintenant sur son blog « Blog (à bière) sous pression ».
Son livre « La bière bretonne, histoire, renaissance et nouvelle vague », publié aux Éditions du coin de la rue, est le fruit d’un travail de recherche assez impressionnant de plus d’un an. Avec Benjamin Keltz, photographe, ils ont voyagé à travers la Bretagne pour rencontrer des brasseurs. Il s’est prêté au jeu de l’interview et nous parle de son livre.
Interview de Gabriel Thierry, auteur de « La Bière Bretonne » aux Éditions du coin de la rue
BièresBretonnes.fr : Bonjour Gabriel, peux-tu te présenter rapidement ? Qui es-tu ? Que fais-tu ? Et surtout d’où viens-tu ?
Gabriel Thierry : Merci tout d’abord pour votre intérêt pour mon livre. J’ai 35 ans, je suis journaliste et je vis à Paris. Je travaille depuis dix ans dans la presse écrite, en indépendant et pour différents journaux. Ayant grandi à Rennes, j’ai d’ailleurs commencé par travailler pour Ouest-France avant de partir vers les Hauts-de-France. Je brasse aussi chez moi depuis cinq ans, en brassage tout grain de dix litres, et je viens de tenter la production d’un cidre home-made cet hiver.
BB.fr : D’où t’es venue l’idée d’écrire un livre sur la bière en Bretagne ?
GT : J’aime bien sûr tout d’abord la bière. Et au fil des rencontres et des trouvailles, j’ai découvert un univers d’une richesse insoupçonnée au départ ! Tout a commencé non pas en Bretagne, mais d’abord dans les Hauts-de-France, où je travaillais dans les années 2010. Avec Éléonore Delpierre, photographe, nous partions régulièrement en reportage aux quatre coins de cette région, nous amenant régulièrement à quelques pas de nombreuses brasseries. Nous nous sommes dit qu’il y avait là un beau patrimoine à expliquer et raconter : ce travail de portraits de brasseurs a débouché sur la publication d’un livre, « Sur la route des bières du Nord-Pas-de-Calais », en novembre 2010. Puis, nous avons poursuivi ce travail avec « La route de la bière en Alsace », en février 2013.
J’avais en tête depuis un moment de continuer cette quête de la bière en Bretagne ! J’ai formalisé ce projet avec les éditions du coin de la rue en 2016, qui étaient intéressées par le thème. Cette fois-ci, nous avons décidé d’axer le livre sur le rapport entre la boisson et la région.
BB.fr : Trouves-tu que l’on ressent une véritable identité bretonne dans le mouvement « bières bretonnes » ?
GT : La Bretagne est une région à part à tous niveaux, et cela se ressent bien sûr aussi dans ses bières. Les brasseurs mettent en avant la langue ou les symboles de notre région dans leurs produits car c’est une motivation importante pour de nombreux consommateurs : consommer local et encourager la production armoricaine. On voit l’aboutissement de cette communication autour de l’identité bretonne dans le travail en cours mené autour d’une structuration d’une filière de la bière en Bretagne, de l’agriculteur au brasseur. Il existe les deux premiers. L’intermédiaire, le malteur, est déjà présent avec des entreprises comme celles d’Emmanuel Faucillon. De nouveaux projets, à Saint-Avé ou ceux des gros brasseurs bretons vont permettre à encore plus de brasseurs de proposer une bière produite à 100 % en Bretagne.
BB.fr : Existe-t-il un « style » de bière bretonne ?
GT : Non, il n’y a pas de style de « bière bretonne » reconnu à l’étranger ou en France, comme la bière de garde dans le Nord ou la Porter anglaise. Par contre, la nouvelle bière bretonne a historiquement deux influences majeures : les îles britanniques, quand Coreff traverse la Manche pour apprendre le métier dans les années 1980, et la Belgique avec Lancelot et Sainte-Colombe, créés quelques années plus tard. Bernard Lancelot se forme à la brasserie Dupont, dans le Hainaut occidental, tandis que Gonny Keizer, la brasseuse de Sainte-Colombe, vient des Pays-Bas.
Les brasseries artisanales qui se créent dans ces jeunes années du renouveau brassicole breton trouvent leur inspiration dans ces deux familles. C’est beaucoup moins vrai aujourd’hui : les styles de bière explosent, les recettes sont plus que jamais accessibles, le matériel plus perfectionné… En matière de style, on peut trouver désormais de tout en Bretagne, dont les dernières tendances en vogue (Sour, Vieillissement en fût). Toutefois, comme me le rappelait récemment un brasseur, si on peut se faire plaisir en expérimentant il faut aussi vendre un produit recherché par le consommateur, parfois à la recherche de cuvées plus classiques.
BB.fr : Selon toi, et à la lumière de ton expérience sur les bières d’Alsace et les bières du Nord, quels sont les principales forces et les principales faiblesses du secteur de la bière en Bretagne ? (commercialisation, production, marketing, communication, …)
GT : Je suis très optimiste sur le devenir de la bière en Bretagne. C’est un produit qui redevient local, et qui j’espère, va le rester. La Bretagne n’a pas gardé de vestiges de l’épopée des brasseries du 20e siècle (Kerinou, les Brasseries nantaises, et Graff à Rennes ont fermé leurs portes), elle a donc au contraire des régions d’Alsace ou du Nord une page blanche à écrire. Les consommateurs ont envie de boire des bières bretonnes, à charge pour les brasseurs de leur proposer un produit local. A travers quelques anecdotes distillées dans mon livre, comme par exemple les déboires passagers de la brasserie Coreff, on voit qu’entre les brasseries et le consommateur breton, c’est vraiment une histoire d’amour : les bretons soutiennent leurs brasseurs. Les brasseries peuvent donc s’appuyer sur un capital de sympathie inestimable qui n’a pas de prix, c’est une force énorme ! Le risque, par contre, c’est de dévoyer le caractère local en produisant une bière dite bretonne, avec une belle étiquette, à des centaines de kilomètres de chez nous… Je n’ai rien en soit contre ces bières faites à façon, mais je trouve regrettable le manque de communication à destination du consommateur à ce sujet. Heureusement, les exemples en la matière sont peu nombreux.
Après, il est difficile de répondre à votre question car tout dépend de quel point de vue on se place. Les brasseries bretonnes sont très diverses : certaines veulent juste rayonner à l’échelle de leur canton, d’autres visent le marché national et international. Si un entrepreneur veut monter en Bretagne le prochain Heineken, il sera sans doute frappé par la faiblesse de l’appareil productif local. Avec un marché dominé par trois grands groupes industriels, cela peut être très compliqué pour un petit acteur de se faire sa place, sauf à nouer des alliances. Mais est-ce le plus important ? On voit que la multitude de petites brasseries créée un cercle vertueux d’émulation, une dynamique, et cela c’est vraiment intéressant.
BB.fr : Comment as-tu sélectionné les brasseurs dont tu parles plus en détail dans le livre ?
GT : Le nombre de brasseries est tel que je ne pouvais pas toutes les visiter dans le cadre de mon enquête. Il y a des brasseries « historiques », comme Coreff ou Lancelot par exemple, que je voulais approcher pour bien comprendre le lien entre brasserie et Bretagne. J’ai trouvé également que le phénomène des brasseurs-agriculteurs était une vraie tendance dans la région, donc j’ai été voir quelques-uns d’entre eux. Je voulais enfin voir des brasseurs installés depuis peu, représentant plus la « nouvelle vague ». A chaque fois, par famille, j’ai sélectionné quelques brasseries à interviewer pour illustrer telle ou telle tendance. J’ai discuté avec des cavistes et participé au jury d’un concours régional pour me mettre au parfum. Et puis, il y a le bouche-à-oreille !
BB.fr : La légende est-elle vérifiée sur le terrain : les brasseurs sont-ils tous sympathiques ?
GT : Je confirme ! J’ai toujours été bien reçu dans les brasseries. Le plus dur a par contre été parfois d’arriver à contacter les brasseurs : beaucoup d’entre eux enchaînent les brassins, les tournées de distribution, et peuvent difficilement consacrer du temps à quelques questions, ce que je comprends bien évidemment. C’est peut-être là une faiblesse à signaler aux brasseurs bretons : je les encourage à travailler leur communication, mettre à jour leur site internet, pour mieux faire savoir au public, au consommateur, ce qu’ils font et comment.
BB.fr : As-tu un autre projet de livre sur la bière ? Dans une autre région de France ? A l’étranger ?
GT : J’ai plusieurs projets en gestation, mais ils ne sont vraiment pas assez avancés pour en parler. Ceci dit, j’ai pris beaucoup de plaisir à l’écriture et fait de belles découvertes et rencontres au cours de la réalisation de ce dernier livre, je ne compte donc pas m’arrêter là !
BB.fr : Quelle est ta bière coup de cœur en Bretagne ou alors un TOP 3 de tes bières bretonnes préférées ?
GT : C’est une question difficile car il y aura tant de bières à citer… Mais jouons le jeu avec : La Funky Dirty Chicken de la Mignonne car c’est une bière surprenante et finalement très bien équilibrée entre ses différentes épices. La Dehli Dehli de Skumenn car cela fait plaisir d’avoir une double IPA bretonne ! Et puis la Kerzu d’An Alarc’h pour finir en beauté sur un Imperial Stout réussi, bien crémeux et intense, mon péché mignon.
Conclusion
Bien évidemment, nous vous invitons à découvrir cet ouvrage, qui dépeint très bien le paysage brassicole breton et permet d’en apprendre un peu plus sur une partie des brasseries bretonnes, qu’elles soient installées depuis longtemps ou encore jeunes.
Comme une bonne bière, le livre « La Bière Bretonne » de Gabriel Thierry est à déguster en solo, à offrir, ou encore mieux, à partager !
terrier stephane -
bonjour
comment faire pour ce procurer ce livre habitant dans le nord
merci pour la reponse
Clément -
Bonjour Stéphane,
Je vous invite à suivre le lien vers le site de la maison d’édition dans le 1er paragraphe 😉
Bonne journée.
Clément de BièresBretonnes.fr
Gabriel Thierry -
Bonjour stéphane, vous pouvez également le commander certainement chez votre libraire, qui prendra lui même contact avec l’éditeur !
Merci de votre intérêt et bonne lecture !
Bléjean -
Bonjour, J’ai trouvé votre livre « La bière BRETONNE » au Festival du livre en Bretagne à Carhaix. Merci pour cette documentation. A quand un reportage sur les brasseurs amateurs en Bretagne? Nous avons rencontré, ma femme et moi, des maîtres-brasseurs en Flandre, en Belgique, dans les années 70, et j’ai étudié le brassage. Puis, j’ai commencé à brasser en 1980, BIER AR SONER, la bière du sonneur (étant dans un bagad). J’ai eu le plaisir d’être récompensé du Fourquet d’Or pour une bière blonde, puis pour une bière brune, au concours national de bière organisé par le Musée Français de la Brasserie. Puis cité dans « Deux siècles de bière en Bretagne » de Ph Bonnet. Passionnés de bière, ma femme et moi, nous avons créé différentes bières. Dans les années 70, la bière, c’était une découverte; puis une passion; c’est devenu une vie, je n’ai cessé de brasser depuis 40 ans. Cordialement, Fañch ha Michelle BLEJEAN.